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THIBAUT BEAUTÉ, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE DES DIRECTEURS DE JARDINS ET ESPACES VERTS PUBLICS « Modifier la loi MOP pour favoriser le végétal dans les aménagements »

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Pour vous, comment s'entendent les familles de la filière ?

Les relations sont bonnes. Elles sont basées sur une confiance réciproque et une grande liberté d'expression permettant d'avoir des échanges constructifs, sans sujets tabous. Il y a quelques années, les relations restaient marquées par l'opposition public/privé. Le secteur public n'a maintenant plus peur du privé et ce dernier a compris qu'il avait besoin du public, qui représente pour lui une clientèle importante. Tout le monde est conscient que la filière a besoin de maîtres d'ouvrage compétents, que nous représentons, et d'une maîtrise d'oeuvre forte. Il y a désormais de nombreuses instances où nous nous retrouvons pour construire ensemble des aménagements qui répondent aux besoins des citoyens, ce qui reste le but final de notre mission. Plante & Cité en est le plus bel exemple.

Comment évolue la commande végétale des collectivités ?

D'un point de vue quantitatif, nous sommes dans la stabilité. Pour le qualitatif, il y a une montée en gamme ; les exigences sont plus importantes pour ce qui concerne les produits en eux-mêmes mais aussi par rapport aux services entourant le produit. Nous avons besoin de plantations produisant un effet rapide. La tendance est à planter plus gros, et nous plantons durable et non plus éphémère comme c'était le cas il y a quelques années. Nous recherchons donc une gamme plus large et nous avons des choix de taxons plus précis. Cela améliore le savoir-faire nécessaire au monde de la production et nous a amenés à travailler tous ensemble à la promotion du végétal, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, et sur des actions comme le concours de reconnaissance des végétaux qui a été organisé lors de Paysalia.

Les collectivités sont amenées à concevoir certains projets en interne et à en faire concevoir par des paysagistes. Y a-t-il pour vous une différence significative entre les deux ?

L'enjeu est de savoir si une collectivité à la capacité à concevoir un projet. Les paysagistes français ont un savoir-faire indéniable, sont reconnus même à l'étranger où ils sont nombreux à travailler. La réussite d'un projet reste liée à la capacité qu'a le maître d'ouvrage à écrire son projet et à piloter la maîtrise d'oeuvre et la relation avec les futurs usagers du site aménagé. Avec la Fédération française du paysage, nous voulons modifier la loi MOP (maîtrise d'ouvrage publique) pour pouvoir intégrer dans les marchés le suivi de chantier a posteriori et se donner la possibilité de rémunérer les paysagistes sur la durée. Ils sont aujourd'hui rémunérés en pourcentage des travaux. Ils ont donc intérêt à favoriser les prestations onéreuses, ce qui n'est pas le cas du végétal et ne va pas dans le sens des orientations environnementales actuelles. Les rémunérer autrement et sur la durée permettrait de corriger ce défaut.

Quel regard portez-vous sur les entreprises du paysage ?

Il n'y a globalement pas de problème. Nous avons en commun la volonté de tirer la profession vers le haut. Elles ont progressé dans leur capacité à répondre aux cahiers des charges des collectivités, les mémoires techniques sont d'un bon niveau.

Il reste un travail à faire sur la valorisation des ressources humaines, la formation tout au long du parcours professionnel. Les jeunes qui arrivent sur le marché ont bien pris en compte les impératifs de gestion différenciée, de biodiversité... mais les salariés les plus anciens doivent encore améliorer ces compétences nouvelles. Le défi de la profession est là. Je note avec satisfaction la volonté de l'Unep de développer le label Expert Jardin qui doit valoriser le métier auprès du grand public mais qui va influer sur les marchés publics.

Entrer dans la seconde partie des mandats municipaux va-t-il être favorable à la réalisation de travaux ?

Aujourd'hui, les collectivités planifient leurs investissements, en particulier avec les PPI (plans pluriannuels d'investissements) qui répartissent les budgets sur l'ensemble des mandats. Seules les enveloppes hors programme, marginales et aléatoires, sont débloquées au coup par coup pour restructurer un espace, par exemple. Nous sommes dans une période compliquée. Les budgets de fonctionnement sont restreints et cela ne devrait pas s'améliorer. L'optimisation budgétaire ne repose plus sur l'appréhension de nouvelles techniques ou technologies, mais sur le management et l'organisation. Nous sommes à la veille d'évolutions qui peuvent être fortes. On verra ce que donnera la réforme territoriale, mais la concentration des collectivités sous différentes formes est inévitable, surtout pour les petites, qui vont y gagner en expertise. La mutualisation est en marche.

Les producteurs répondent-ils à vos attentes aujourd'hui ?

Sur le fleurissement, par exemple, certains ont compris les enjeux, mais pour ceux qui sont restés aux géraniums, c'est plus compliqué. Toutefois, ils profitent d'une forte volonté d'acheter local. Pour les pépinières, c'est plus difficile. Les entreprises françaises ont un problème de taille et de marketing. Les entreprises étrangères se vendent mieux et les petits producteurs italiens ou hollandais savent se regrouper pour mieux peser sur les marchés. Notre relation avec la FNPHP est moins suivie que celle que nous avons avec l'Unep ou la FFP. Nous lui avons donné la parole lors de notre congrès de Vichy en 2010, mais on ne peut pas dire que son intervention ait favorisé un dialogue constructif. La porte reste ouverte.

Les producteurs estiment que les collectivités se tournent trop facilement vers l'étranger...

Ils ne se sont pas adaptés aux critères de sélection actuels, comme le développement durable. La réponse aux appels d'offres doit être pertinente. On ne peut pas y mettre de critères géographiques ; les produits doivent répondre aux bons critères de qualité et de services.

Pour vous, comment évolue le fleurissement ?

Le fleurissement évolue bien, dans un sens que nous avons toujours prôné. Il ne faut pas opposer fleurissement horticole et démarche environnementale ; les deux doivent se rejoindre. Nous n'avons pas non plus à renier le passé.

Nous devons juste le mettre en perspective dans le temps sur une durée plus longue. Dans le jardin à la française, la notion de développement durable existait... Le fleurissement de demain sera moins cyclique, plus durable, avec toutefois une grande créativité, qui reste le point fort des municipalités, le point sur lequel elles savent apporter une véritable valeur ajoutée. Et cela contribue réellement à la valorisation touristique de notre pays. Il faut que nous menions davantage d'actions qui servent à la fois de promotion et de sensibilisation sur des sujets comme l'environnement. Ce n'est plus la quantité qui permet d'être récompensé par le CNVVF mais la pertinence et la justesse des actions.

Donnez-nous trois raisons d'être optimistes.

Le retour du végétal et de la biodiversité au coeur de nos métiers. La volonté des acteurs de la filière horticole de travailler ensemble. Et l'implication de plus en plus forte des habitants dans les démarches participatives.

Pascal Fayolle

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